Je suis très proche de ma grand-mère. C’est presque elle qui m’a élevé car mes parents étaient commerçants et avaient des horaires à rallonge. Sa maison, je la connais par cœur. Elle est douillette et au fond du joli jardin, il y a des poules et un lapin. Quel bonheur pour un enfant de pouvoir se réfugier dans ce petit paradis !
Maintenant que je suis devenu adulte, quand je viens voir ma chère grand-mère, je me rends compte de l’isolement dans lequel elle vit. La maison est un paradis terrestre mais il n’y a pas âme qui vive à moins de 5 kilomètres ! Alors pour aller faire les courses et avoir une vie sociale, c’est un peu compliqué. J’ai bien vu que ma grand-mère commençait à se perdre dans les jours de la semaine, que parfois le lapin n’avait pas mangé depuis plusieurs jours, que les volets n’étaient pas tous levés. Ce paradis devenait un enfer pour elle.
Quand j’ai appris que j’étais muté à Singapour pour mon travail, ça été un vrai dilemme. Allais-je refuser cette belle promotion pour pouvoir continuer à veiller sur ma grand-mère ? Mes parents se sont retirés dans le sud de la France, j’étais le seul qui allait la voir le plus souvent car je n’étais pas très loin de chez elle.
C’est alors qu’une de mes collègues m’a parlé de la résidence senior où vivaient ses grands-parents. A chaque fois qu’elle revenait d’un week end avec ses grands-parents tellement sereine et heureuse, je pensais qu’elle partait dans leur maison de famille ou dans un club de vacances. Je n’avais jamais réalisé que ses grands-parents vivaient en résidence senior, un lieu qui était pour moi inconnu.
Intrigué, je suis allé voir sur place. Après avoir fait le tour de la résidence avec l’équipe, les résidents m’ont invité à prendre un café avec eux et je leur ai parlé de ma grand-mère. Ils m’ont donné plein d’arguments pour la convaincre de venir. Je les ai même pris en photo pour pouvoir lui montrer leur belle mine, signe que les résidents ont ici une vie heureuse et paisible.
De retour chez ma grand-mère, j’étais dans mes petits souliers. Je lui ai dit “Mamita, nous allons changer tous les deux de vie”. La nouvelle de mon départ et du sien ne lui ont pas plu mais elle était ouverte à la discussion. Elle a été même très à l’écoute. Nous avons parlé de ses craintes, surtout celle de quitter ce si joli endroit où elle vit depuis plus de 40 ans. Nous avons convenu qu’elle fasse un essai dans la résidence lors d’un séjour découverte. Quand elle est arrivée, ma grand-mère a été accueillie comme une princesse. On la connaissait déjà puisque j’avais bien parlé d’elle à tous les résidents.
L’adaptation a été difficile pour elle pendant le premier mois car elle n’était pas habituée à voir autant de monde dans la journée. Mais tout le monde a mis du sien et elle a fini par s’avouer que c’était la vie dont elle avait besoin à son âge.
Et de mon côté ? C’est finalement moi qui ait vécu le plus grand chamboulement de vie en allant vivre à des milliers de kilomètres de la France. Mais en sachant ma grand-mère adorée heureuse, j’ai pu partir serein.
Pascal, 35 ans
